So-Hist-Info


Séminaire - Socio-Histoire de l'Informatique

🖳 A propos

Le Séminaire de socio-histoire de l’informatique est un séminaire de recherche organisé par le centre de recherche HT2S du Conservatoire National des Arts et Métiers. Tous les deux mois, nous invitons un.e chercheur.se en histoire et/ou anthropologie et sociologie (avec une perspective historique ou diachronique) de l’informatique à présenter ses travaux. Le séminaire a pour objectif d’explorer de nouveaux récits de l’histoire de l’informatique sur le temps long, en mettant l’accent sur la manière dont l’informatique s’entrelace avec les questions sociales, économiques, politiques et culturelles. Vous trouverez ci-dessous une vue plus détaillée de notre approche.

📅 Programme

1er avril 2025 de 14h30 à 17h

De la Pascaline à l’ordinateur : contribution à une approche contextualisée de la mécanisation du calcul

Séance co-organisée avec le Séminaire d’Histoire d’Informatique du Musée des Arts et Métiers. La séance aura exceptionnellement lieu au CNAM 292 rue Saint-Martin, en amphithéâtre Fabry Pérot et démarrera à 14h30.

De nombreux instruments et machines, souvent élaborés en marge du milieu académique, ont jalonné la mécanisation du calcul jusqu’à l’ordinateur. Aussi bien leur conception que leur fabrication ont mobilisé bien d’autres acteurs que les seuls mathématiciens : artisans, ingénieurs, physiciens. Et ces recherches collectives ont dû susciter un intérêt socio-politique suffisant pour décider de leur financement. Les transferts et synthèses de savoirs que suppose cette matérialisation du calcul va de pair avec une complexification des rapports professionnels entre ces différentes catégories d’acteurs. Je me propose d’en analyser l’évolution à partir de certains exemples significatifs – dont la machine de Blaise Pascal (1623-1662), la machine analytique de Charles Babbage (1791-1871), l’analyseur différentiel de Vannevar Bush (1890-1974), et les premiers prototypes d’ordinateur.

Dates à venir

  • 14 Avril 2025 de 15h à 17h - Jaroslav Švelch - Charles University (République Tchèque)
  • 16 Juin 2025 de 15h à 17h - Michael Homberg - Centre for Contemporary History (ZZF) Potsdam (Allemagne)

Dates passées

/!\ ANNULÉ 10 Février 2025 de 15h à 17h

Socio-histoire de la construction managériale de l’informatique en France

La socio-histoire a été définie par G. Noiriel comme l’utilisation d’outils conceptuels de la sociologie dans les enquêtes historiques dans le but de dénaturaliser les relations de pouvoir en retraçant leur genèse et leurs origines occultées. L’omniprésence actuelle des outils numérique et la manière dont elle peut affecter des relations de pouvoir – entre l’Etat et les entreprises ou encore entre salariés par la redéfinition du travail par exemple – n’a été que peu l’objet d’une socio-histoire entendue au sens strict. En effet, les recherches françaises de sciences sociales ont peu étudié la question du passage de la mécanographie à l’informatique. Cette ignorance de l’informatique qualifiée rétrospectivement de « lourde » a conduit réciproquement à accorder une importance réduite aux utilisations managériales de l’informatique qui se sont constituées dans les années 1960. En effet, d’une part, l’utilisation des ordinateurs dans des tâches de gestion a conduit à une extension de leur marché, d’autre part, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, les ordinateurs ont d’abord été conçus comme de nouvelles machines mécanographiques, puis sont apparus comme un phénomène nouveau, « l’informatique », défini par des propriétés managériales opposés à celles de la mécanographie. Ce travail de définition a conduit à la création de nouvelles équivalences entre les machines et le management dont le produit, l’informatique telle qu’elle est entendue par des managers, naturalise des politiques managériales en les faisant dériver d’une nécessité technique. Ces équivalences constituent toujours le cadre d’appréhension actuel du numérique qui s’est donc construit dans les années 1960 autour du passage, dans le domaine de la gestion, des machines classiques (grands ensembles à cartes perforées, machines comptables) aux premiers ordinateurs. En m’appuyant sur mes recherches je voudrais donc montrer dans cette communication qu’une socio-histoire de l’informatique doit réévaluer l’importance du management dans la généralisation de l’informatique et dans l’émergence des utilisateurs individuels. En effet, dans ce cadre de recherches, l’oubli des origines du numérique conduit à sa réification. Cette réévaluation doit, par ailleurs, poser la question des modalités de circulation et d’intériorisation de ces thématiques managériales. Pour cela j’aborderai trois points qui me semblent importants dans une perspective de socio-histoire de l’information. D’abord, l’association des ordinateurs à une gouvernementalité différente des machines classiques de la mécanographie. C’est cette gouvernementalité basée, sur l’anticipation, la flexibilité, la souplesse et non la productivité qui est au fondement de la conception managériale de l’informatique. Ensuite, une analyse du rôle des SSII dans la mise en forme managériale de l’informatique afin de donner une perspective historique à l’externalisation informatique que des analyses en termes de capitalisme de plateforme tendent à effacer en se focalisant sur incarnation technologique plutôt que sur l’analyse des processus sociaux dans laquelle elle s’inscrit. Enfin, j’examinerai les interactions entre la construction managériale de l’informatique et sa construction disciplinaire. En effet, les milieux managériaux ont revendiqué une prise en charge de la formation des informaticiens par l’enseignement supérieur tout en critiquant les contenus universitaires de l’enseignement de l’informatique. Ainsi, durant les années 1970, la politique de formation à l’informatique a tenté sans succès d’imposer l’informatique de gestion comme domaine hégémonique de l’informatique.

27 janvier 2024 de 15h à 17h

Les réseaux de neurones : 100 ans de neurophysiologie technologisée

Bien qu’actuellement connus comme une approche statistique à l’intelligence artificielle inspirée par la biologie, les réseaux de neurones ont tout d’abord été introduits comme un modèle neuroanatomique, puis psychiatrique, visant à expliquer la différence raciale et pathologique. Matérialisés à travers des pratiques aussi variées que la coloration argentique et les politiques sanitaires coloniales, les interventions psychochirurgicales et l’électrothérapie, et finalement la simulation de neurones artificiels, les réseaux de neurones ont été expérimentalement inscrits sur certains corps afin d’établir qui—ou quoi—se qualifie comme un sujet intelligent. Dans cette présentation, Ranjodh Singh Dhaliwal et Théo Lepage-Richer revisitent cinq moments clés de l’histoire de ce modèle pour reconstruire certaines des pratiques situées, des histoires sociales, des techniques de médiation et des présupposés ontologiques qui ont influencé la transformation récente des réseaux de neurones en modèle d’apprentissage automatique. Loin de signaler la convergence de l’intelligence humaine et de l’intelligence machine, les réseaux de neurones mettent en évidence la technologisation de la neurophysiologie qui caractérise la recherche dans les champs de la neuroscience et de l’intelligence artificielle depuis plus d’un siècle. En prenant la proximité historique entre ces disciplines comme point de départ, cette présentation relate la façon dont la cognition en est venue à être conçue comme essentiellement computationnelle par nature, au point de soutenir une vision technologisée de la biologie, de la psychologie et de la sociabilité humaines.

16 Décembre 2024 de 15h à 17h

The present is boring, but the future is bright?! A transnational history of the introduction of computers in education since the 1960s

The arrival of new technologies in education has always been shaped by contradictory visions. On the one hand, technologies stoked fears of a loss of competence and the restriction of learners through behaviorist teaching systems; on the other hand, technologies were praised as a means of acquiring skills more quickly through greater individuality. The turbulent history of the slow introduction of computers in schools since the 1960s clearly demonstrates this. As a contribution to the research seminar, this talk will address how the use of computers in education has been repeatedly touted as a breakthrough and reformer of education systems in many countries, while there has always been a mismatch between imaginaries and reality. Of particular interest are the economic and political conditions surrounding this development, as well as some of the key transnational and local actors, and the intermediaries connecting them. Examining expectations of educational technologies helps to uncover some of the underlying assumptions that drive innovation. The talk is based on the author’s contribution to a forthcoming book chapter that will add a historical perspective to the growing critical literature questioning the futurism inherent in digital educational media.

14 Octobre 2024 de 15h à 17h

Une “Intelligence souveraine” ? Infrastructures, représentations et géopolitique de l’IA russe, une approche comparative

Dans le cadre du projet ANR CulturIA, cette enquête porte sur l’histoire contemporaine de l’intelligence artificielle et ses aspects socio-culturels, notamment dans le monde russophone et ses rapports à l’international. Marqué par la guerre contre l’Ukraine et les sanctions économiques, le domaine a connu une restructuration à la fois au niveau des infrastructures mais aussi au niveau des discours et représentations. L’enquête collective menée en collaboration avec Boris Melnichenko suit les russes qui créent ou utilisent les IA en exil mais aussi les ingénieurs qui travaillent pour les grandes entreprises en Russie. Dans l’esprit des STS, elle reste attentive au code et aux infrastructures et décrit les restructurations importantes des projets technologiques dans le contexte de crise géopolitique majeure. Comparant les projets en machine-learning et IA russes avec, notamment, des projets similaires issus des Etats-Unis et de la Chine, cette recherche se pose la question : peut-on parler d’une “IA à la russe” ? Existe-il des traits caractéristiques pouvant définir les façons de faire et de parler de l’IA propres à la Russie, malgré les emprunts, influences et circulations transnationales inévitables qui marquent ce domaine ?

📍 Informations pratiques et inscription

Pour assister au séminaire, veuillez vous inscrire ici.

Le seminaire se tiendra en hybride au Conservatoire National des Arts et Métiers, au 2 rue Conté, 75003 Paris, en salle 30-1-18 (bâtiment 30, 1er sous-sol, salle 18). Un lien de connexion sera communiqué aux personnes inscrites avant la séance.

💭 Approche

Informatique, Informatiks, Informatics… Le terme, largement internationalisé, est sujet à des variations sémantiques qui témoignent des contextes d’usage différents d’un domaine très labile, ayant pour dénominateur commun la transformation de l’information dans des systèmes. Qu’ils s’agissent de systèmes logiques et mécaniques, industriels ou artisanaux, voire formels ou sociaux, cette labilité nous intéresse. Après tout, les « calculateurs humains » qui peuplaient les banques et bureaux comptables du XIXè siècle ne participent-ils pas de plein droit à l’histoire des ordinateurs ? Et si, pour reprendre un canon de la Computing history, l’ordinateur est devenu « universel », l’informatique (ou « les informatiques »), ne sont-elles pas marquées par des dynamiques locales et spécifiques, certes relatives mais aussi questionnant cette universalité ?

Ce séminaire de recherche se penchera sur l’histoire de l’informatique non pas pour elle-même et dans le cadre circonscrit et bien identifié de l’ordinateur omnipotent et de ses environnements pervasifs, mais par l’étude de situations où l’informatique joue un rôle pivot, d’articulation des rapports sciences-techniques-société. En ceci, ce séminaire se propose d’éclairer une socio-histoire de l’informatique sur le temps long et dans des espaces élargis aux plans géographiques comme sociaux, culturels, politiques, économiques.

Le regard historique sur l’informatique a déjà pu, entre autres, bénéficier d’études sur le métier et la position sociale des programmeur.se.s dans une société de l’expertise ou de processus de distinctions sociales qui mettent à l’écart certains groupes dans le domaine (déqualification des femmes codeuses, exploitation des travailleurs du clic ou des mines de métaux pour l’électronique, perte des expertises et savoir-faire à l’épreuve de l’automatisation ou de l’intelligence artificielle…). Il a aussi interrogé la rencontre du travail et du loisir, dans des lieux de pratiques et de savoirs qui déploient des aspects socio-économiques, des enrôlements communautaires aux logiques de récupération industrielle. Il s’est enfin largement penché sur des développements scientifiques ou industriels dans des cadres nationaux, mais aussi dans les relations inter- ou trans-nationales qui régissent (ou sont soumis à) aussi bien la circulation des ordinateurs, des logiciels, et des textes et pratique associées. De plus en plus, ils réinterroge les identités – de genre, de race, de classe – au prisme des pratiques informatiques. Nous nous inscrivons dans cette continuité.

Deux orientations générales guideront nos invitations et discussions :

  • L’attention pour les conditions locales de conception, production et pratique de l’informatique, à différentes échelles (régionales, nationales, transnationales et globales).
  • L’attention à la matérialité de l’information qui s’incorpore dans et prend la forme de machines, de gestes et outils, de métiers et autres positions sociales et culturelles, donc des environnements socio-techniques – y compris les aspects conceptuels et logiques, ainsi que la manière dont sont catégorisées les (infra)structures à travers la manière dont on regarde et pratique les objets de l’informatique.

Au regard de ces orientations, ce séminaire souhaite s’écarter des récits standards et canoniques qui nourrissent l’histoire de l’informatique : par le décentrement géographique, en identifiant les espaces de l’altérité par rapport au « grand » développement technoscientifique moderne ; et par le décalage des points de vue, en remettant en question les catégories d’analyse habituelles du phénomène informatique. En effet, l’histoire de l’informatique relève encore souvent du récit – voire du mythe – éminemment moderne, d’une conquête de l’homme sur le traitement mécanisé, puis automatisé, de la pensée et de la matière. En ceci, elle s’inscrit dans une double généalogie au long cours : celle des mathématiques et des sciences formelles plus généralement, et celle de l’ingénierie et de ses rapports à l’industrialisation des processus.

Cette « culture de l’informatique » (on dirait aussi « culture du numérique »), approche culturalisée de l’informatique, c’est-à-dire acculturée dans les mythes techno-scientifiques d’une société, doit être comprise dans ses mécanismes de sélection, distinction, construction. Cela marque particulièrement les récits sur l’informatique nationale, de ses équipements à ses industries, de sa recherche à son développement – et donc la constitution de patrimoines de l’informatique. Pour ne prendre qu’un exemple, cela a été le cas pour l’ouverture anticipée des archives de Bletchley Park au Royaume-Uni dans les années 1970, mettant soudainement en lumière le rôle d’Alan Turing et de la machine Enigma, afin de revendiquer un rôle clef dans l’histoire de l’informatique alors que s’accélère la commercialisation des ordinateurs.

On peut aussi questionner la positivité par défaut du grand récit de l’informatique, en étudiant l’inscription de la production et de la pratique informatique dans des problématiques qui la dépassent : le coût environnemental des technologies dites de l’immatériel (de la pollution de la production industrielle aux déchets électroniques en passant par le dérèglement général des écosystèmes) ; la confrontation de la circulation des biens informatiques à la logique des relations internationales au-delà des échanges scientifiques et industriels ; ou encore l’imposition de politiques de développement numérique à des populations non concernées, ou qui en pâtissent ; ou enfin, la mise en perspective avec les absences refus, résistances, inerties et non-usages de certains territoires et de leurs acteurs.

Pour finir, ce séminaire prendra soin de favoriser une ouverture interdisciplinaire vers d’autres sciences sociales, notamment la philosophie, la sociologie, l’anthropologie, permettant de renouveler les concepts et de remettre en question les catégories d’analyse habituelles du phénomène informatique.

📧 Organisateurs et contact

Le séminaire est organisé par (ordre alphabétique) :

Vous pouvez nous contacter sur nos adresses email :

  • mathilde.fichen [@] lecnam.net
  • camille.paloque-berges [@] lecnam.net
  • adrien.tournier [@] lecnam.net

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